Régulièrement, retrouvez sur le site de l’A5 des interviews de membres de notre réseau qui partageront leur parcours, leur expérience et l’importance qu’a eu l’associatif dans leur transition avec le monde professionnel.
A5 – Peux-tu te présenter ? Où habites tu et quel métier occupes-tu ?
A5 – Quelle a été ta formation universitaire et ton engagement associatif ?
CBdC – Alors, j’ai un peu navigué dans le secteur éco-gestion. J’ai commencé par une CPGE ECS dont l’atmosphère et l’intensité en mathématiques ne m’ont pas du tout plu, pour repartir de zéro une licence en Eco-gestion et tenter une année de magistère d’ingénierie économique trop orienté mathématiques pour moi. C’est là que j’ai commencé à m’impliquer dans l’associatif étudiant. Ensuite revenu dans le parcours LMD (Licence, Master, Doctorat) classique, je me suis tourné vers le Master Logistique Stratégie de la Fac d’Economie et de Gestion d’Aix-Marseille (aujourd’hui renommé Gestion de production, logistique, achats) d’où je suis sorti diplômé de la spécialité Supply Chain Durable en 2013.
Côté associatif, j’ai commencé à m’impliquer dans de petites associations inter-filières durant mon année de magistère et j’ai été élu au conseil d’administration de la faculté. A ce moment-là l’Université soutenait le développement d’associations étudiantesdans les campus à la vie étudiante inexistante et leur confiait la gestion d’un point d’information de vie étudiante. C’est à partir de là que j’ai mis le doigt dans l’engrenage. Le bureau de l’association était composé d’une équipe de L1 qui bien que très motivée ne disposait pas de formation pratique. Mes relations amicales avec des étudiants membres d’associations d’autres filières et d’autres villes m’ont conduit à chercher dans ces filières des formateurs pour donner à ces jeunes adultes quelques outils et méthodes pour lancer leur association sur des bases saines. C’est à cette époque que Vincent Grèze m’a présenté Bryan Coder qui venait de lancer deux mois auparavant l’Ares.
De fil en aiguilles quelques mois plus tard, Bryan me confiait les fonctions de chargé de mission pour la filière Eco-gestion que j’allais conserver deux ans. L’Ares après quelques mois de lancement était alors en phase de structuration de son réseau et de croissance avec de nouvelles adhésions régulières. L’objectif était alors de développer des outils pour aider les étudiants en sciences sociales dans leur ensemble et des outils pour aider les bénévoles associatifs à pérenniser leurs structures et pouvoir construire des stratégies de développement sur le long terme.
A5 – A quel point ton engagement a-t-il pu te préparer à l’entrée dans la vie active ? Est-ce de même pour tes études et ton parcours de formation ? Pour toi les études en SS forment-elles assez au monde du travail ?
CBdC – Je ne vais pas répéter ce que d’autres ont déjà abordé avant moi sur la méthode de travail, la rigueur, le travail en équipe, la confiance en soi, le savoir être… tout cela est vrai, et au décuple de ce que l’on imagine souvent. Depuis mon entrée en fac, j’ai toujours été en emploi, à côté, j’étais étudiant en formation initiale sans statut de salarié, bénévole associatif et je continuais une pratique sportive en compétitions. Sans développer tout cela, je n’aurai pu mener à bien toutes ces activités.
Ce que dont je voudrais parler est l’apport de mon engagement sur ma vision de l’importance de la culture dans les organisations. J’emploie ce terme à dessein, car cet engagement m’a permis de me confronter à un grand nombre d’organisations différentes et d’observer leurs dynamiques sociales que l’on qualifie généralement de culture d’organisation. J’ai pu constater l’importance cruciale de celle-ci dans les succès et les échecs des projets associatifs. Même si les cours de management stratégique et de ressources humaines abordaient cette question, ils ne faisaient qu’effleurer la surface du sujet. J’ai pu observer comment des structures avec toutes les cartes en main pouvaient disparaître en quelques mois à cause d’une culture défaillante, ou comment l’ajout d’un élément problématique, non traité, pouvait conduire à l’échec de toute une équipe pourtant motivée et formée.
Aujourd’hui dans ma pratique professionnelle, je m’attaque à connaître l’histoire de la société, du service, de son environnement, de sa structure organisationnelle car je constate qu’à chaque fois j’y trouve des éléments de réponse à des questions d’ordre macro.
Un autre aspect que j’ai pu apprécier lors de cet engagement étudiant portait sur ce que beaucoup appellent le « leadership », j’ai eu la chance de connaître des gens avec des qualités incroyables et d’observer des comportements très divers de cadres associatifs. On parle souvent de management collaboratif, de leaders inspirant, de confiance… Cependant encadrer des bénévoles est extrêmement différent de l’encadrement de salariés. On ne dispose pas des mêmes leviers. Le bénévole participe à un projet pour en retirer la satisfaction personnelle de faire avancer une cause, résoudre des problèmes ou d’obtenir une forme de reconnaissance. Le contrat tacite qui le lie à l’organisation est plus de l’ordre moral, tandis que le salarié est lié par un contrat portant à rémunération et se trouve alors dans un rapport hiérarchique. L’encadrement de bénévoles demande de bien saisir les encrages motivant les différents individus pour jouer sur les bons leviers et en retirer le meilleur pour l’équipe. Mais on oublie souvent l’autorité dans ce tableau. Quand un conflit survient, quand un membre devient nocif pour l’organisation à cause de son comportement, il faut parfois avoir recours à cette autorité, trancher et recadrer les parties déviantes afin que l’organisation revienne à un état propice à la réalisation des objectifs fixés. J’ai pu observer un cas où une association a failli disparaître en l’espace de quelques mois à cause du comportement d’un petit groupe qui a détruit la cohésion d’ensemble et a conduit au départ de certains piliers. Si le problème avait été tranché avec autorité dès le début, il aurait été réglé tout aussi vite qu’arrivé. Mais c’est par cette absence d’exercice de l’autorité que la crise s’est installée et a perduré. Dans le monde du travail, les modes sur le management cités plus haut sont très intéressantes et présentent bien des avantages vis-à-vis des comportements autoritaires, mais l’expérience montre qu’il faut savoir trouver un équilibre et qu’exercer l’autorité ne veut pas dire être un irascible tyran. On a tous en tête la citation « un chef c’est fait pour cheffer » de Jacques Chirac, et c’est effectivement ce qu’on attend d’eux.
Pour revenir aux études, les masters universitaires permettent une bien plus grande employabilité que celle décrite par beaucoup, souvent issus d’écoles de commerces, emprunts de préjugés et prêchant pour leur paroisse. Elles donnent un cadre conceptuel, des outils intellectuels pour résoudre des problèmes, pour chercher par soi-même des réponses sans avoir à continuellement tirer la manche de son cadre ou pire, à faire semblant de tout savoir pour garder la face. L’étudiant qui aura fait tout son parcours à l’université aura normalement appris à faire preuve d’un peu d’humilité et à ne compter que sur lui-même pour avancer, jamais il n’aura été pris par la main.
Rétrospectivement, je pense que je n’aurai pas assimilé les concepts et les outils enseignés de la même manière si je n’avais pas été salarié et bénévole associatif en même temps que mes études. Un peu à l’image de l’alternance, je disposais de la pratique pour confronter ces outils.
A5 – Selon ton analyse quelles sont les force et faiblesses du modèle universitaire ? Tu es doté d’une baguette magique, cite 3 choses que tu améliorerais dans les études supérieures
CBdC – Alors, je pense que je commencerais par doubler le taux d’encadrement, les universitaires sont noyés sous les responsabilités pédagogiques administratives et le nombre d’étudiants explose sans que les recrutements ne suivent. Avec des profs plus nombreux, il y aurait plus d’innovation pédagogique, plus d’interactions, bref une vie universitaire plus intéressante pour tout le monde. Ensuite probablement que je mettrais fin à cette dichotomie Université d’un côté – Grandes Ecoles de l’autre, pour des raisons maintes fois débattues. Enfin, j’appliquerais le LMD comme le préconisait le Livre blanc produit par l’AFGES pour la fusion de l’Université de Strasbourg : des majeures des mineures, des pré-requis, la possibilité de valider autant de modules et donc de crédits ECTS que désirés par semestres, pour que les étudiants puissent évoluer à leur rythme. Celui qui voudra passer sa licence en 5 ans, le pourra, celui qui voudra la passer en 2 le pourra aussi. Celui qui voudra se construire un parcours droit et histoire de l’art, ne sera plus obligé d’aller étudier là où la double licence existe.
A5 – Est-ce que le parcours extra scolaire prime sur le diplôme pour toi, dans un processus de recrutement ?
CBdC – Cela ne devrait pas, mais cela a un effet signal important sur la personnalité et les qualités intrinsèques de l’individu. Quand on vient de l’Université, à moins d’avoir fait une IAE, à diplôme égal, le recruteur étudiera avec plus d’attention celui dont le parcours extra-scolaire est varié. C’est un fait. Tristement, face à un diplômé d’une Grande Ecole sans parcours extra-scolaire, le diplômé universitaire partira avec un désavantage malgré un parcours extra-scolaire béton. La différence pourra se faire lors de l’entretien ou par l’appréciation et l’expérience personnelle du recruteur.
A5 – Pour toi l’intérêt de l’A5 c’est ?
CBdC – Les intérêts sont multiples, il s’agit déjà de garder le lien avec une communauté de gens qui a partagé un bout de l’aventure de l’ARES. Pour les plus jeunes ou ceux en fonction à l’Ares, nous pouvons être une mémoire, ils peuvent nous solliciter sur des sujets divers et nous pouvons alors leur partager notre expérience. Nous pouvons aussi partager nos expériences et nos questionnements entre nous, membres de l’A5.
A5 – Enfin pour finir, quel est ton meilleur souvenir associatif
CBdC – Je crois que c’est au congrès de Toulouse quand Camille, alors étudiante en droit toulousaine, est venue me voir pour me remercier de la formation sur la gestion de projet que j’assurais en binôme avec Julien. Elle y avait assisté un ou deux ans avant et en utilisait le contenu chaque semaine. Nous présentions des outils comme la fiche projet avec des questionnements basiques telles que les « Quoi ? Qui ? Quand ? Ou ? Comment ? Pourquoi ? » ainsi que les diagrammes de GANTT. Nous envoyions ça en 1h30 aux L1 qui débarquaient en assos pour leur donner quelques bases de gestion de projet afin qu’ils puissent ensuite prendre plus de responsabilités. Sept ans après, je me rappelle encore des mots qu’elle a employés et de sentiment d’avoir été utile à quelqu’un.